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Faire place à la créativité, histoire de se connaître…

forum-3-fouleLa créativité, cette belle bibitte à la mode, louangée par les entreprises modernes, est en réalité plutôt rare, et, malgré tout le bien qu’on en dise, bien peu de place lui est accordée dans les faits. La culture est un luxe et les artistes qui ne créent pas de biens de consommation, des parasites. Pourtant, l’art et la culture sont caractéristiques de l’être humain et répondent à des besoins qui vont au-delà du divertissement. Pour Action Gatineau, la culture est un secteur d’investissement comme un autre, avec son potentiel de retombées positives pour l’identité de la ville et de ses habitants. C’est pourquoi nous y avons consacré le dernier forum de la série thématique : Culture et identité.

Une grande bibliothèque pour Gatineau

En première partie, le panel a présenté l’idée d’un grand équipement culturel, qu’on appelle « bibliothèque » mais qui serait bien plus que cela. Michael Munroe, vice-président de Vision Centre-Ville, considère qu’un centre de diffusion culturelle à plusieurs chapeaux serait bénéfique pour le centre-ville, tant pour ses résidents que pour ses commerçants. Il propose d’inclure le privé dans ce projet puisque, selon lui, les gens d’affaires ont eux aussi intérêt à investir dans la culture et favoriser le développement d’un centre-ville plein de vie.

Le maire de l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal, Alan DeSousa, nous a quant à lui présenté la bibliothèque du Boisé, vedette du réseau montréalais. Intégrant un centre d’exposition, une réserve muséale, et offrant une ouverture privilégiée sur la nature, cette construction a obtenu la certification LEED platine et cumulé 18 prix depuis son ouverture en 2013. DeSousa a tiré certaines leçons de cette expérience : voir grand pour répondre aux besoins futurs, maintenir des standards de design et de construction élevés, jumeler les fonctions et faire des partenariats pour alléger le fardeau financier du projet, et surtout, ne pas négliger l’importance de l’effet d’une telle réalisation sur la fierté et le sentiment d’appartenance de la communauté.

Enfin, au sujet d’une grande bibliothèque versus les bibliothèques de quartier, Louise Guillemette Labory, ex-directrice des Bibliothèques de Montréal, considère que leurs rôles ne sont pas les mêmes. La grande bibliothèque, c’est la locomotive. Celle qui va attirer les gens qui n’ont pas mis le nez dans une bibliothèque depuis des lustres et leur ouvrir les portes des bibliothèques modernes. Si les bibliothèques de quartier subissent effectivement une baisse de clientèle à l’ouverture d’une grande bibliothèque, ce n’est que temporaire.

Identité gatinoise en développement

En deuxième partie, le panel a présenté trois aspects de l’identité, soit les quartiers, le patrimoine et les arts. Howard Powles et Pauline Bouchard ont parlé de certaines caractéristiques, physiques et sociales, de leurs quartiers respectifs qui font partie de leur identité. Par exemple, Pauline Bouchard, directrice de l’AGAP du Vieux-Gatineau depuis plus de 10 ans, a mentionné que le protocole des associations de gens d’affaires de Gatineau, basé sur le développement économique de certaines artères, ne répond pas aux les besoins de revitalisation de ce quartier longtemps négligé. Mise en branle en 2014, la démarche de Revitalisation Urbaine Intégrée (RUI) du Vieux Gatineau vise a rectifier la situation.

Pour nous parler de patrimoine, Michel Prévost et Raymond Ouimet, respectivement archiviste et historien, ont souligné l’importance de préserver le patrimoine bâti pour conserver le lien avec notre histoire proche. Dans une ville et une région ou 2/3 de la population vient de l’extérieur, il est important de savoir ce qui s’est fait avant pour comprendre l’actualité. La meilleure façon de soulever des questions chez les gens, selon eux, est par la mise en valeur du patrimoine bâti. Malheureusement, le patrimoine que l’on juge digne de conservation est généralement celui de l’élite : les maisons où vivaient 95% de la population, elles, sont regardées de haut et disparaissent tranquillement.

Du côté de la création artistique, trois artistes de la région, Isabelle Regout, Céline De Guise et Diane Fontaine nous ont fait part de l’apport des artistes dans l’évolution de la culture. En repoussant toujours les limites de ce qui se fait et en créant des opportunités là où il n’y en a pas, ils transforment l’innovation en culture institutionnalisée. Leurs œuvres deviennent ensuite partie intégrante de notre identité collective et sont source de fierté. Cependant, tout comme les startup, ou jeunes entreprises, les artistes ont besoin d’incubateurs artistiques. Qu’ils soient artistes ou programmeurs d’applications mobiles, les créatifs ne sont pas toujours les meilleurs entrepreneurs, et le fait de devoir s’investir dans la promotion, la création d’événements, et tous les aspects techniques entourant l’entrepreneuriat les éloigne de ce qui donne une valeur à leur travail, la création.

Quelques points clés discutés :

  • Inclure des partenariats avec le privé dans le développement d’équipements culturels
  • Assurer un suivi rigoureux des travaux par la présence sur place d’une équipe interne qui prend des photos tous les jours.
  • Ne pas négliger de faire un concours de design pour une éventuelle grande bibliothèque.
  • Embaucher des médiateurs, formés en bibliothéconomie, qui vont à la rencontre des gens de milieux fragilisés pour développer des relations avec eux et les pousser à la lecture selon leurs intérêts. L’absence de culture écrite à la maison est un frein à la mobilité sociale, et l’éducation fait partie des missions des bibliothèques publiques.
  • Les visites guidées pour découvrir le patrimoine sont très populaires auprès des jeunes, on pourrait en développer avec les écoles de tous les niveaux.
  • Les projets d’ateliers d’artistes et la régularisation de la situation de ceux qui travaillent chez eux sont des démarches saluées par les artistes de la région.